06 mars 2008

Quand cette belle fleur premièrement je vis

Quand cette belle fleur premièrement je vis,
Qui notre âge de fer de ses vertus redore,
Bien que sa grand' valeur je ne connusse encore,
Si fus-je en la voyant de merveille ravi.

Depuis, ayant le cours de fortune suivi,
Où le Tibre tortu de jaune se colore,
Et voyant ces grands dieux, que l'ignorance adore,
Ignorants, vicieux et méchants à l'envi :

Alors, Forget, alors cette erreur ancienne,
Qui n'avait bien connu ta princesse et la mienne,
La venant à revoir, se dessilla les yeux :

Alors je m'aperçus qu'ignorant son mérite
J'avais, sans la connaître, admiré Marguerite,
Comme, sans les connaître, on admire les cieux.

Joachim DU BELLAY (1522-1560) (Recueil : Les Regrets)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le cher poète, chantre de la "douceur angevine", amoureux du "Loire gaulois" et du "Tibre latin"... célébré au 21ème siècle, depuis les Açores ... qui aurait pu le croire?

Un pur régal en tous cas...
Continue, jeune homme!

Pour t'encourager, je te livre un tercet du même Joachim et des mêmes "Regrets" :
"Si les vers ont été l'abus de ma jeunesse,
Les vers seront aussi l'appui de ma vieillesse :
S'ils furent ma folie, ils seront ma raison"