18 juin 2008

Jusqu'au ciel d'azur gris le pré léger s'élève


Jusqu'au ciel d'azur gris le pré léger s'élève
Comme une route fraîche inconnue aux vivants ;
La mouillure de l'herbe et de la jeune sève

Répand dans l'air rêveur son haleine d'argent.
Sur les bords de ce pré le bouleau se balance
Avec le merisier profond dans ses rameaux
Où des moineaux dorés sautillent en silence
Comme aux pures saisons d'un univers nouveau.

Je te pénètre, ô pré que longent des collines
Où la fougère étend son feuillage en réseau.
Et j'écoute parler la voix molle et divine
De la calme nature au milieu des oiseaux.

Cécile SAUVAGE (1883-1927) (Recueil : Mélancolie)

12 juin 2008

Le Labyrinthe


J'erre au fond d'un savant et cruel labyrinthe...
Je n'ai pour mon salut qu'un douloureux orgueil.
Voici que vient la Nuit aux cheveux d'hyacinthe,
Et je m'égare au fond du cruel labyrinthe,
Ô Maîtresse qui fus ma ruine et mon deuil.

Mon amour hypocrite et ma haine cynique
Sont deux spectres qui vont, ivres de désespoir ;
Leurs lèvres ont ce pli que le rictus complique :
Mon amour hypocrite et ma haine cynique
Sont deux spectres damnés qui rôdent dans le soir.

J'erre au fond d'un savant et cruel labyrinthe,
Et mes pieds, las d'errer, s'éloignent de ton seuil.
Sur mon front brûle encor la fièvre mal éteinte...
Dans l'ambiguïté grise du Labyrinthe,
J'emporte mon remords, ma ruine et mon deuil...

Renée VIVIEN (1877-1909) (Recueil : La Vénus des aveugles)

01 juin 2008

Coeur endurci plus que la roche bise


Coeur endurci plus que la roche bise,
Vent aspirant pire que nord ou bise,
De grief refus tant orgueilleulx et fier,
N'est il moyen de te mollifier
Par tel façon que grace en fust acquise ?

O que les Dieulx ont mal ta place quise
De te loger en maison si exquise,
Pour en vertus tant te glorifier,
Coeur endurci !

Considéré que, sans coup de main mise,
Je fus navré d'une oeillade transmise
De ton logis, qui me vint défier,
Il te plaira mon mal pacifier
En me donnant grace que j'ay requise,
Coeur endurci.

Jean MAROT (1463-1526)