D'où vient-il ce bouquet oublié sur la pierre ?
Dans l'ombre, humide encor de rosée, ou de pleurs,
Ce soir, est-il tombé des mains de la prière ?
Un enfant du village a-t-il perdu ces fleurs ?
Ce soir, fut-il laissé par quelque âme pensive
Sous la croix où s'arrête un pauvre voyageur ?
Est-ce d'un fils errant la mémoire naïve
Qui d'une pâle rose y cacha la blancheur ?
De nos mères partout nous suit l'ombre légère ;
Partout l'amitié prie et rêve à l'amitié ;
Le pèlerin souffrant sur la route étrangère
Offre à Dieu ce symbole, et croit en sa pitié !
Solitaire bouquet, ta tristesse charmante
Semble avec tes parfums exhaler un regret.
Peut-être es-tu promis au songe d'une amante :
Souvent dans une fleur l'amour a son secret !
Et moi j'ai rafraîchi les pieds de la Madone
De lilas blancs, si chers à mon destin rêveur ;
Et la Vierge sait bien pour qui je les lui donne :
Elle entend la pensée au fond de notre coeur !
Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859) (Recueil : Poésies)
23 février 2008
14 février 2008
Complainte amoureuse
Beauté féroce, vous me plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Ah ! Fallait-il que vous me plussiez
Qu'ingénument je vous le dise
Qu'avec orgueil vous vous tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu'enfin je m'opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez
07 février 2008
La maison dort
La maison dort au coeur de quelque vieille ville
Où des dames s'en vont, lasses de bonnes oeuvres,
S'assoupir en suivant l'office de six heures,
Ville où le rouet gris de l'ennui se dévide.
Dans la cour un bassin où pleurent les eaux vives
D'avoir vu verdir les Tritons et d'être seules.
Et la maison laisse gémir les eaux jaseuses ;
Ses yeux sont noirs où s'avivaient jadis les vitres,
Et, vers le soir, les cuivres du soleil s'éteignent
Sur les plafonds tendus de terreuses dentelles
Qu'un coup de vent parfois tord comme des écharpes.
Les mites ont aimé dans les tentures ternes ;
Aussi, charme décoloré des chambres, charme
Des rêves qu'on a trop songés et qui se taisent.
Charles GUÉRIN (1873-1907) (Recueil : Le sang des crépuscules)
Où des dames s'en vont, lasses de bonnes oeuvres,
S'assoupir en suivant l'office de six heures,
Ville où le rouet gris de l'ennui se dévide.
Dans la cour un bassin où pleurent les eaux vives
D'avoir vu verdir les Tritons et d'être seules.
Et la maison laisse gémir les eaux jaseuses ;
Ses yeux sont noirs où s'avivaient jadis les vitres,
Et, vers le soir, les cuivres du soleil s'éteignent
Sur les plafonds tendus de terreuses dentelles
Qu'un coup de vent parfois tord comme des écharpes.
Les mites ont aimé dans les tentures ternes ;
Aussi, charme décoloré des chambres, charme
Des rêves qu'on a trop songés et qui se taisent.
Charles GUÉRIN (1873-1907) (Recueil : Le sang des crépuscules)
05 février 2008
Le silence dans une église
Au levant de la nef, penchant son humide urne,
La nuit laisse tomber l'ombre triste du soir ;
Chasse insensiblement l'humble clarté diurne ;
Et la voûte s'endort sur le pilier tout noir ;
Le silence entre seul sous l'arceau taciturne,
L'ogive aux vitraux bruns ne se laisse plus voir ;
L'autel froid se revêt de sa robe nocturne ;
L'orgue s'éteint ; tout dort dans le sacré dortoir !
Dans le silence, un pas résonne sur la dalle ;
Tout s'éveille, et le son élargit sa spirale,
L'orgue gémit, l'autel tressaille de ce bruit ;
Le pilier le répète en sa cavité sombre ;
La voûte le redit, et s'agite dans l'ombre...
Puis tout s'éteint, tout meurt, et retombe en la nuit !
Jules VERNE (1828-1905)
La nuit laisse tomber l'ombre triste du soir ;
Chasse insensiblement l'humble clarté diurne ;
Et la voûte s'endort sur le pilier tout noir ;
Le silence entre seul sous l'arceau taciturne,
L'ogive aux vitraux bruns ne se laisse plus voir ;
L'autel froid se revêt de sa robe nocturne ;
L'orgue s'éteint ; tout dort dans le sacré dortoir !
Dans le silence, un pas résonne sur la dalle ;
Tout s'éveille, et le son élargit sa spirale,
L'orgue gémit, l'autel tressaille de ce bruit ;
Le pilier le répète en sa cavité sombre ;
La voûte le redit, et s'agite dans l'ombre...
Puis tout s'éteint, tout meurt, et retombe en la nuit !
Jules VERNE (1828-1905)
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